Yves Rénier, la mort d’une grande gueule

20 mai, 2021 / Jerome Goulon

« Maintenant, en France, on protège les assassins ! Les victimes, on n’en a rien à foutre, c’est pas grave ! »

Le 24 avril dernier, on apprenait la mort d’Yves Rénier à l’âge de 78 ans. L’acteur avait connu la gloire grâce à son rôle dans Commissaire Moulin, série diffusée de 1976 à 2008 sur TF1. Réputé pour son franc-parler, Yves Rénier nous avait accordée plusieurs interviews, dont une en 1995, dans laquelle il répondait aux critiques qu’on lui faisait. Force est de constater que ses propos sont toujours d’actualité…

Entrevue : Certains critiques disent que tu cours toujours après l’audimat…
Yves Rénier : Mais les intellos de merde, je leur pisse au cul ! Moi, je touche un maximum de gens à chaque fois que je fais un film. À chaque fois, boum, c’est un carton ! Je suis pas du tout racoleur, les gens trouvent que mes films sont bien.

Il paraît que tu fais rigoler les vrais flics dans les commissariats. Il paraît qu’on te traite de « flic d’opérette »…
Écoute un truc : le journaliste qui a écrit ça, je l’emmerde ! C’est un journaliste qui a écrit ça dans L’événement, qui a dit : « Le Rambo franchouillard ». Moi, les journalistes qui ne savent rien et qui ont le courage de ne pas signer leur papier, les gens sans couilles, je les emmerde ! Il en va de même pour tous les anonymes qui pratiquent la délation ! C’est pas un petit journaliste de merde qui va venir me donner des leçons !

Décidément, ça barde pour Moulin en ce moment… Tu viens d’être condamné pour avoir déclaré à la brigade des stups : « Tout le monde en croque ». Réaction…
On est dans un état de droit ou pour un oui ou pour un non, les gens se font des procès et s’en va en prison. Moi, pour l’instant, on m’a pas encore envoyé en taule ! Ça ne me fait pas pleurer. Entrevue dit : « Toutes les vérités sont bonnes à dire. » Moi, je pense que toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire. Et comme moi je balance et que je ne pratique pas du tout la langue de bois, il y a des tas de gens que je dois gêner, que je dois faire chier.

D’après toi, en France, on serait un peu frileux…
En France, les mecs, ils se chient dessus, ils ont peur de leur ombre. Moi, j’ai voulu faire un film sur la récidive. C’est pas nouveau, c’est pas le premier cas de viol, ni le dernier… Il y avait des ressemblances avec une affaire récente, et on a dit : « C’est du reality-show chaud ». Moi, je dis que Moulin, c’est pas du reality-show ! Qu’est-ce que c’est que ce cirque !

Le commissaire Moulin n’a-t-il pas tendance à se prendre pour un juge ?
Je me prends pour rien du tout ! Je raconte une histoire qui peut effectivement se passer comme ça. La preuve ! C’est que l’actualité me donne raison, le boucher de Milwaukee, il vient de se faire égorger par ses codétenus. Voilà! Il faut savoir que quand on se met à violer des petites filles et les étrangler, on prend des risques ! Il faut quand même se rendre compte qu’un récidiviste violeur d’enfants risque sa vie en taule parce qu’en taule, ce genre de mec n’est pas apprécié et les détenus n’ont pas attendu de regarder le film d’Yves Rénier pour avoir ce genre d’idée !

Si les mentalités étaient différentes en France, tu es encore plus loin dans le traitement des affaires un peu sensibles ?
Crois-moi, au niveau du récidiviste, je me suis fait taper sur les doigts par une minorité, les journalistes. Ils sont tous en train de dire : « Ce film, c’est une honte, ce pauvre Patrick Tessier, etc. » ( Patrick Tessier était l’assassin d ela petite Karine, Ndlr. ) Maintenant, en France, on protège les assassins ! Les victimes, on n’en a rien a foutre, c’est pas grave ! Une petite fille violée et assassinée, ça n’a strictement aucune importance. Ce qui est important, c’est de savoir que les assassins vivent le reste de leur peine d’une manière confortable en regardant la télévision ! Quand  je vois que la mère de cette petite fille raconte en France-Soir qu’elle souhaite que dans 30 ans, ce mec ressorte guéri, qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Je me dis : mais je rêve, je rêve toute habillée ! Elle a envie que l’assassin de sa fille ressorte guéri ?

Et toi, tu réagirais comment ?
Je lui dis très honnêtement, si j’étais dans sa position, je serai obsédé de la façon dont j’irai le fumer !

Le commissaire Moulin, dans 10 ans, tu le vois comment ?
Avec un impair, une pipe et un chapeau… Comme je vois que raconter des histoires qui bouge, ça gêne beaucoup de gens, pourquoi me faire chier à faire des choses bien ?