Thierry Carbou : « Il y a vraiment une, hémorragie des talents en France. Je passe mon temps à croiser des français dans les palais à Abu Dhabi. »

14 février, 2024 / Radouan Kourak

Thierry Carbou a choisi de s’installer à Dubaï il y a 12 ans. Séduit par les possibilités offertes aux Émirats, il n’envisage pas de revenir en France. Il nous explique les raisons qui l’ont motivé à faire ce choix et nous donne les raisons pour lesquelles un retour en arrière est difficilement concevable pour lui aujourd’hui. Une interview qui fait réfléchir

Entrevue : Depuis quand vivez-vous à Dubaï ?

Thierry Carbou : Ça fait 12 ans que je vis aux Émirats. Je suis arrivé en 2012. À l’époque, j’étais dans le pétrole, les Télécom et un petit peu dans la défense. Comme beaucoup de gens un peu frustrés par les barrières qu’on rencontre sur notre vieux continent, j’ai pris mes bagages et j’ai tenté l’aventure à Dubaï. C’est un hub incroyable avec l’Afrique, l’Asie et tout le Moyen-Orient. Vous pouvez entrer en contact avec les fonds d’investissement ou des institutions financières qui vous permettent d’aller très loin et très vite.

Que faisiez-vous avant de partir à Dubaï ?

J’étais basé entre Paris et Montréal. Je travaillais pour un groupe familial, Dapa Technology, qui était le leader européen de tout ce qui est GSM au niveau des périphériques des Télécoms. On était le grand spécialiste des réseaux en ternaire pour la téléphonie mobile. On est l’inventeur du Radiocom 2000, et on a switché sur le GSM. On avait un monopole sur la France et on était la première entreprise française implantée aux Etats-Unis pour la fabrication des antennes relais et réseaux GSM … Le groupe familial avait son siège à Paris, mais aussi des divisions au Canada et aux Etats-Unis. C’est vraiment cette mentalité nord-américaine qui m’a poussé à éviter le retour à la case parisienne pour découvrir les Émirats.

Qu’est-ce que vous avez pu faire à Dubaï que vous n’auriez pas pu faire en France ?

Être à Dubaï permet de pouvoir rencontrer énormément de personnes de nationalités différentes dans des domaines différents. C’est un environnement où les gens sont extrêmement

Abordables, contrairement à la France, où tout fonctionne uniquement par réseau. Aux Émirats, on peut débarquer sans connaître personne, et au bout de six mois, connaître la planète entière. Et quand les fonds d’investissement privés croient en vous, on accède plus facilement aux financements.

Vous pensez que le système français pousse les talents à partir ailleurs ?

Il y a vraiment une hémorragie des talents en France. Je passe mon temps à croiser des Français dans les palais à Abu Dhabi.

Qu’est-ce qui pourrait faire qu’en France, les talents ne s’évadent plus ?

Principalement l’accès aux financements. Et puis surtout, aux Émirats, si vous n’avez pas de diplôme, si vous êtes jeune, si vous êtes de confession juive, musulmane ou catholique, tout le monde s’en fout. Vous pouvez êtes africain, basané, arabe, asiatique, on vous donne votre chance, ce qui n’est pas le cas en France. En France, on regarde beaucoup le milieu d’où vous venez, la grande école ou l’université que vous avez faite. Ici, aux Émirats, c’est une chose que je n’ai jamais ressentie. Je vois chaque mois des industriels ou des ingénieurs français qui viennent aux Emirats pour essayer de trouver une solution pour développer leur projet. Trouver des talents français aux Émirats, il n’y a rien de plus facile, il n’y a que ça.

Dubaï n’est donc pas qu’une terre d’accueil pour influenceurs ?

À Dubaï, on rencontre plus d’ingénieurs que d’influenceurs, mais c’est moins médiatisé. Dubaï a eu pendant très longtemps cette image de berceau des influenceurs, mais ce genre d’individus ayant des capacités au niveau des neurones assez limités ne sont pas représentatifs de Dubaï.

L’image que certains Français ont de Dubaï est donc éloignée de la réalité ?

Oui. Encore une fois, il y a deux Dubaï. Celui de !’Eldorado des milliardaires, qui ressemble un peu à Miami, et le Dubaï des affaires, axé sur le développement des talents. Ici, tous les fonds sont gérés par les plus brillants banquiers et investisseurs de la planète. Les Émirats ont vraiment mis le paquet pour faire venir tous ces talents qui gèrent aujourd’hui les plus gros fonds d’investissement émiratis. Les structures sont extrêmement bien gérées, donc quand vous êtes un industriel, un chercheur ou un ingénieur et que vous avez besoin d’avoir des interlocuteurs qui parlent la même langue que vous, vous trouvez enfin des gens à qui parler et qui vous écoutent, comprennent votre projet et vos besoins en termes d’investissement. Et c’est que l’on n’a plus en

France malheureusement.

Est-ce qu’il faut s’inquiéter pour la vieille Europe ?

Je vous dirais oui, parce que tous ces talents qui quittent l’Europe travaillent pour des marchés émergents. Aujourd’hui, les Émirats se positionnent comme une plateforme pour pouvoir permettre un fort développement industriel. Ils ont déjà signé des accords monumentaux avec les Chinois pour fabriquer des voitures électriques, des Smartphones ou tous ces biens de consommation courante. Aux Émirats, il faut inonder le marché africain. Ils font la même chose avec les industriels, les ingénieurs, et les talents français qui viennent s’installer.

Une fois que vous êtes dans cet environnement, pourquoi retourneriez- vous en France ? Avec en plus des conditions de vie incroyables et un vrai sentiment de sécurité. La dernière fois que j’ai fermé les portes de mon appartement et de ma voiture à clé, c’était quand j’ai quitté Paris …

Propos recueillis par Jérôme Goulon