Que retenir du débat entre Gabriel Attal et Jordan Bardella

23 mai, 2024 / Radouan Kourak

Ce soir, sur France 2, s’est tenu un débat télévisé de 1h20 entre le Premier ministre Gabriel Attal et Jordan Bardella, président du Rassemblement National (RN) et favori des sondages pour les élections européennes. À moins de trois semaines du scrutin, ce face-à-face était particulièrement attendu, marquant l’implication directe du Premier ministre dans la campagne européenne. Initialement prévu pour être diffusé sur TF1 avec une co-diffusion sur France 2, le débat a finalement été exclusivement retransmis sur cette dernière, après le refus catégorique de TF1 d’accepter une telle condition.

Contexte et enjeux

La campagne pour les élections européennes bat son plein, avec le RN en tête des sondages à plus de 30 %, loin devant la liste macroniste menée par Valérie Hayer, créditée de 15 à 17 %. Raphaël Glucksmann, tête de liste du Parti Socialiste (13 à 15 % des intentions de vote), a également contesté la mise en avant de ce duel, son propre parti talonnant de près les macronistes.

Protectionnisme et droits de douane

Dès le début, Bardella a insisté sur la nécessité d’augmenter les droits de douane pour protéger le marché intérieur européen, notamment pour des secteurs comme l’automobile. Attal a montré une ouverture sur cette question, soulignant qu’il n’était pas contre des droits de douane rehaussés dans certains contextes, tout en critiquant l’inconstance des positions du RN.

Nucléaire et politique énergétique

Les échanges se sont ensuite focalisés sur la politique énergétique, avec Bardella attaquant les atermoiements des macronistes sur le nucléaire. Il a reproché au gouvernement d’avoir envisagé la fermeture de 14 réacteurs nucléaires, accusation que Gabriel Attal a réfutée en rappelant que cette décision avait été reportée en 2018. Attal a défendu le programme ambitieux du gouvernement sur le climat, mentionnant les 1.000 milliards d’euros d’investissement d’ici 2030 pour la transition écologique.

Environnement et véhicules électriques

Sur la question environnementale, Attal a vanté les objectifs ambitieux fixés par l’Europe et le gouvernement, soulignant que la lutte contre le réchauffement climatique était « le combat de notre génération ». Bardella a rétorqué que les ambitions environnementales du gouvernement étaient irréalistes et nuiraient à l’économie, en particulier en critiquant l’interdiction de la vente de véhicules thermiques neufs à partir de 2035. Attal a contre-attaqué en défendant la capacité de la France à produire 2 millions de véhicules électriques d’ici 2030, accusant Bardella de vivre dans une réalité parallèle où le pétrole serait abondant en France.

Immigration et souveraineté

L’immigration a été un point de friction majeur. Bardella a dénoncé le pacte asile-immigration récemment voté au Parlement européen, le qualifiant de choix entre « l’immigration obligatoire ou la punition financière ». Attal a répondu fermement, défendant le pacte comme un moyen de mieux protéger les frontières extérieures de l’Europe et rejetant la vision du RN qui, selon lui, stigmatise les étrangers. La proposition de Bardella pour une « double frontière » a été vivement critiquée par Attal comme irréaliste et dangereuse, en particulier pour les déplacements transfrontaliers quotidiens.

Défense et politique étrangère

La guerre en Ukraine et la défense européenne ont clôturé le débat. Bardella a critiqué les déclarations d’Emmanuel Macron sur un éventuel envoi de troupes européennes en Ukraine, accusant le président d’avoir « jeté de l’huile sur le feu ». Il a également défendu que l’arme nucléaire devait rester strictement française. Attal, quant à lui, a soutenu la nécessité d’investir dans la défense européenne tout en rappelant que la décision ultime sur l’utilisation de l’arme nucléaire reste entre les mains du président de la République.

Conclusion

Le débat s’est terminé avec des échanges sur les ambitions européennes de chacun. Bardella a conclu en appelant les jeunes à voter pour une élection qu’il a qualifiée de « cruciale » pour l’avenir du pays, accusant le gouvernement actuel d’être à la fois le pyromane et le pompier de la situation actuelle. Attal a répondu en prônant une Europe des Lumières et en insistant sur la capacité de la France à être un leader en matière d’intelligence artificielle, de technologies quantiques et de production de batteries électriques.

Ce débat a mis en lumière deux visions radicalement différentes pour l’avenir de l’Europe et de la France. Gabriel Attal a tenté de défendre le bilan du gouvernement et de proposer une vision optimiste et ambitieuse pour l’Europe, tandis que Jordan Bardella a mis l’accent sur la protection des intérêts nationaux et la critique des politiques actuelles, particulièrement sur l’immigration et la souveraineté.

Avec ce débat, les deux jeunes leaders ont montré qu’ils étaient prêts à incarner les nouvelles figures politiques françaises pour les années à venir. Reste à voir quel impact cet échange aura sur les électeurs et si les positions défendues ce soir se traduiront par un changement dans les intentions de vote pour les élections européennes. Le duel entre Attal et Bardella pourrait bien être le prélude à une rivalité politique durable, comparable à celle de Mitterrand et Chirac en leur temps.