Pénurie d’essence: le juteux business des voleurs de carburant

11 octobre, 2022 / Jerome Goulon

Depuis quelques jours, trouver de l’essence est une mission quasi-impossible pour de nombreux automobilistes français. Une grève des salariés Total empêche en effet l’approvisionnement normal des stations en carburant, et faire le plein est synonyme de cauchemar pour les conducteurs. À tel point que les chanceux qui parviennent à remplir leur voiture de sans-plomb ou de gazoil ne regardent même plus les prix, trop contents d’éviter la panne sèche. Si cette pénurie est un handicap pour de très nombreux Français, elle profite en revanche à certains trafiquants qui, depuis des années, se sont spécialisés dans le vol et la revente d’essence. Ces derniers siphonnent des réservoirs de voitures ou de camions et revendent le précieux « or noir ». En temps normal, le prix de revente est la moitié du prix à la pompe. Sauf que pénurie oblige, les tarifs ont grimpé, atteignant 3 à 4 euros le litre selon les receleurs. Nous avons suivi un dealer, situé en région parisienne, et l’avons filmé en caméra cachée. Entrevue vous dévoile les dessous de ce juteux business…

+ Une flambée des prix et une pénurie d’essence
Depuis quelques années en France, le prix de l’essence augmente de façon significative. En 2015, le tarif moyen à la pompe était de 1€ par litre, sans plomb comme diesel. Fin 2018, le prix est monté à 1,50€ par litre en moyenne, dépassant même les 2€ en 2022. La fluctuation des prix de l’essence s’explique en partie par la variation du cours du pétrole. Mais en France, les prix élevés à la pompe se justifient surtout par une fiscalité démesurée. Les taxes perçues par l’État représentent plus de 60% du prix de l’essence et du gazole. Si on peut constater une légère baisse des prix en cette fin d’année, les Français doivent affronter une nouvelle difficulté : une grève des salariés Total entraîne actuellement une pénurie, empêchant de nombreux automobilistes de faire le plein…

+ Le trafic d’essence, un business en vogue pour les trafiquants
Comme pour tout produit cher ou difficile à trouver, l’essence génère un trafic illégal. Depuis des années, les dealers ont compris qu’ils pouvaient en tirer un juteux business et siphonnent des réservoirs de véhicules ou de camions. Le but : revendre le précieux liquide au marché noir. Nous avons filmé l’un d’eux. La nuit, il force la trappe à essence d’une voiture ou d’un camion, et introduit un tuyau dans le réservoir. Il aspire ensuite dans le tuyau afin de créer un appel d’air et permettre à l’essence de se vider toute seule dans un bidon. Une fois la « récolte » terminée, il emmène son butin dans un box, où il stocke son essence. Le dealer nous explique qu’il a rarement plus de 100 litres dans son garage, de quoi satisfaire deux ou trois clients. En effet, la demande est très forte, et il n’a pas le temps de faire de très grosses réserves… Il nous affirme également que les camions sont la cible privilégiée des voleurs, car ils contiennent plus de carburant. Alors certes, différents moyens contre le vol existent : des bouchons antivol, des systèmes anti-siphon, des tôles de protection ou des détecteurs électroniques sur la jauge de carburant. Mais malgré cela, certains chauffeurs de poids lourd ne verrouillent pas leur trappe à carburant, préférant se faire voler de l’essence plutôt que de se faire casser leur réservoir, ce qui immobilise leur camion et s’avère au final plus coûteux…

Un trafiquant vole de l’essence et la revend à un automobiliste…

+ Un filon juteux pour les dealers, qui peut rapporter 3 000€ par mois
Une fois que le trafiquant a fait ses réserves, nous le suivons pendant un deal. Il a donné rendez-vous à un client régulier vers 2h00 du matin, sur un parking isolé et peu fréquenté, en banlieue parisienne. Le dealer prend avec lui quatre bidons et remplit le réservoir de son client, qui lui a commandé 30 litres de diesel. L’opération dure un quart d’heure environ, et se déroule sans problème. En temps normal, les clients payent au dealer la moitié du prix de l’essence à la pompe. Mais en ces jours de pénurie, les prix ont grimpé en flèche, certains dealers vendant leur précieux « or noir » entre 3 et 4 euros le litre. Un business juteux qui peut rapporter aux voleurs plus de 3 000 euros par mois…