Nicolas Reyes, fondateur des Gipsy Kings : « Beaucoup de gitans ont été déportés pendant la Shoah, et je trouve qu’on n’en parle pas assez. »

31 janvier, 2024 / Jerome Goulon

Fondés en 1978, les Gipsy Kings ont fait danser la planète entière avec des hits tels que Bamboléo, Djobi, Djoba ou encore Volare. À l’occasion de la sortie de son autobiographie La voix d’un roi, Nicolas Reyes, cofondateur et chanteur du groupe, s’est livré pour Entrevue et nous confie quelques confidences et anecdotes étonnantes…

Jérôme Goulon : Bonjour Nicolas. Vous avez publié votre autobiogaphie. La musique avait une place importante dans votre vie dès votre enfance ?
Nicolas Reyes : Oui. J’ai eu une belle enfance, où dès tout petit, avec mon frère, je regardais mon père chanter. Donc j’ai été bercé par la musique très tôt. Chez nous, dans la famille, c’était guitare du matin au soir. 

Vous écrivez que durant dans votre jeunesse, vous préfériez flâner dans les rues et faire de la musique plutôt que d’aller à l’école…
Oui. J’ai eu une enfance comme tous les enfants, on s’amusait dans les rues, on jouait à la marelle, mais on traînait en effet souvent dans les rues, toujours une guitare à la main.

Sans être pour autant livrés à vous-même ?
Non. Il y avait l’autorité familiale de mon père. Il ne fallait surtout pas rentrer après 20h00 le soir. Il nous appelait, nous sifflait, et on rentrait au garde-à-vous. Il n’y avait pas intérêt à ce que nous ayons une minute de retard.

Vous évoquez dans votre livre un sujet qui vous tient à cœur, les gitans, et vous déplorez qu’on ne parle pas assez de certaines choses, dont le camp de déportés de Rivesaltes…
Oui. Beaucoup de gitans ont été déportés pendant la Shoah, et je trouve qu’on n’en parle pas assez. Dans les camps de concentration, les gitans étaient utilisés pour jouer de la musique. C’est un sujet délicat, mais c’était important pour moi de parler de ce camp. On oublie beaucoup la communauté gitane dans le monde. On nous prend pour des gens qui ne font que de la musique. Nous ne sommes pas assez intégrés dans la société. 

« Michael Jackson aurait écouté l’une de mes chansons juste avant de mourir. »

Revenons à votre musique. Il y a une anecdote assez incroyable : Michael Jackson aurait mis votre chanson Un Amor dans son casque avant de recevoir sa piqûre fatale et de mourir…
Oui. Michael Jackson aurait écouté l’une de nos chansons juste avant de mourir. Ce sont des médias anglais assez fiables qui ont rapporté cette histoire. Il avait pour habitude de se détendre et faire la sieste en écoutant de la musique dans son casque. Apparemment, il adorait écouter la chanson Un Amor, des Gipsy King. Et c’est peut-être la dernière ou l’une des dernières chansons qu’il a écoutée avant de mourir. Le frère de Michael Jackson, Jermaine, a même demandé à me rencontrer pour comprendre l’intensité émotive de ma voix. 

La chanson Un Amor aurait également une place très importante chez une autre célébrité…
Oui. Le réalisateur James Cameron a demandé sa femme en mariage sur cette chanson…

Je change de sujet. Vous avez une pièce secrète dans laquelle vous entreposez vos récompenses, mais vous dites que ce n’est pas de l’égocentrisme…
En effet. Dans cette pièce, il y a des guitares qui sont là, à côté de moi, des disques d’or, etc. C’est une pièce qui me permet de me ressourcer. Je m’y sens bien, et c’est là que je compose. 

Quel est le trophée dont vous êtes le plus fier ?
Le Grammy Award ! 

Sujet plus douloureux : dans votre livre, il y un chapitre « Gipsy or not Gipsy », dans lequel vous parlez de «faux» Gipsy Kings. Vous ne le dites pas, mais j’imagine que vous faites allusion aux anciens membres des Gipsy Kings, avec qui vous avez eu un différent et qui ont créé un groupe similaire, Chico and the Gypsies… C’est toujours une blessure pour vous ?
Disons qu’on a eu de bons moments ensemble. Nous avions une équipe forte, chacun avait sa singularité. Le fait de ne plus être ensemble, ça fait toujours ressortir certains frissons.

Vous vous parlez toujours ?
Nous sommes toujours en contact, on se dit bonjour…

Et faire revenir les membres de Chico and the Gipsies dans les Gipsy Kings, vous y pensez ?
Non. Ce n’est pas envisageable de nous retrouver ensemble… 

Après toutes ces années de carrière, quelle est la plus grande fierté de votre vie ?
Ma plus grande fierté ? Que mes enfants et mes petits-enfants prennent la relève, et que les Gipsy Kings continuent après moi. Et puis comme tous les artistes, j’aimerais que ma voix reste immortelle. 

Vous avez un mot à ajouter pour terminer cette interview ?
Oui. Il y a eu un article incroyable publié dans le New York Times qui raconte une anecdote très touchante, surtout quand on voit ce qui se passe dans le monde. Les délégations israélienne et égyptienne se réunissaient dans un restaurant à New York, et l’ambiance était très tendue. À un moment donné, le DJ a passé Djobi, Djoba, et tout le monde s’est mis à danser ensemble. J’adore cette histoire. Quand on dit que la musique adoucit les mœurs, c’est vrai…