Martin Lamotte se confie sans langue de bois !

01 septembre, 2021 / Jerome Goulon

« Je me suis fait rayer volontairement des César depuis très longtemps. Je trouve cette cérémonie obsolète… »

On ne présente plus Martin Lamotte. Figure incontournable de la comédie française, il est à l’affiche du film L’Instant présent. L’acteur de 74 ans nous parle de ce long-métrage et nous donne son avis sur la crise sanitaire, les politiques et le milieu du cinéma. Une interview garantie sans langue de bois !

Interview réalisée par Jérôme Goulon (Twitter @JeromeGoulon)

Jérôme Goulon  : Vous jouez dans le film L’instant présent. C’est votre premier rôle au cinéma depuis 2011…
Martin Lamotte : Oui. Je fais un passage dans ce film. Je joue le père d’un jockey qui a un accident et qui ne se souvient plus de rien. Je ne veux pas en dire plus pour ne pas dévoiler l’histoire, mais c’est un film d’amour basé sur l’équitation. On a commencé le tournage en pleine pandémie. Les cheveux n’étaient pas masqués… Et donc le film sort enfin ! Je l’ai bien aimé, j’espère qu’il plaira aux spectateurs !

Vous êtes amis avec les chevaux ?
Très peu ! ( Rires ) Je m’entends mal avec les chevaux . J’avais déjà fait un film à cheval, et j’en ai encore les cicatrices ! ( Rires ) J’ai eu mal aux fesses, je suis resté à cheval pendant un mois, avec une selle très dure…

Donc si on vous appelle pour faire une série quotidienne sur un cheval, vous direz non ?
Je vais dire « Attention ! » et je vais d’abord consulter mon médecin pour savoir si je tiendrai !

Comment avez-vous vécu cette période où les salles de spectacle étaient fermées ?
Les salles de cinéma rouvrent, mais tout le monde sait très bien qu’une salle de théâtre ne peut pas rouvrir avec une jauge inférieure à 50%. Pour nous, c’est une catastrophe ! Donc on peut vraiment parler de réouverture quand il n’y a plus de jauges ni de couvre-feu. Quand vous faites un spectacle, il faut rembourser tous les frais qu’il y a eu…

La scène vous manque ?
Ça me manque énormément, d’autant qu’on a monté une pièce, Papy fait de la résistance.

Vous avez compris les mesures sanitaires, ou alors les salles auraient dû rouvrir plus tôt selon vous ?
Je comprends les mesures sanitaires. Ce que je ne comprends pas, c’est l’attitude des gens en général, qui ne respectent pas forcément les gestes barrières. Plus ils font ça, plus ça retarde le démarrage. C’est idiot ! Et pendant ce temps-là, les gens s’appauvrissent…

Vous craignez que les Français ne reviennent pas dans les salles ?
Je ne sais pas s’ils auront les moyens ! Tout le monde n’est pas rémunéré. Regardez dans le théâtre : très peu de gens sont rémunérés. Moi, pendant cette crise, je n’ai pas touché un centime, même si je ne me plains pas…

La culture aurait dû être considérée comme essentielle dès le début de la pandémie ?
Je ne sais pas si la culture est essentielle. Mais dans un pays libre, on devrait avoir le droit d’en faire ! Et pas la bouter sous prétexte que c’est mauvais pour la politique, les élections ou des choses comme ça… Ça commence à me fatiguer, et tout ça vient d’une bureaucratie épouvantable ! Il faut chasser ces gens-là !

Les Français se plaignent en effet que ceux qui nous dirigent sont souvent déconnectés de la réalité…
Les politiques sont déconnectés de la réalité et sont aux mains de gens qui ont vu défiler plein d’autres hommes politiques. Ce sont eux qui tiennent le pouvoir. Ce n’est pas du complotisme, c’est la vérité ! Ils imposent leurs décisions qui sont complètement stupides. Et souvent, comme ce sont des gens âgés, ce sont des décisions de vieux ! 

Vous-mêmes, vous avez été touché par le Covid ?
Non, ça m’a été épargné. Je fais très attention. Avec la troupe, on a répété avec des masques. Et croyez-moi, répéter avec des masques, c’est pas facile. Et puis on a pu se faire vacciner. Mais on continue malgré tout de faire attention.

Et moralement, cette crise vous a touché ?
Non, ça va, car on a continué de travailler. On a vraiment travaillé très fort, et ça fait du bien. On fait attention, et de toute façon, on se dit que ça va s’arrêter. Mais le monde a changé, et maintenant, il faut qu’on s’adapte.

Qu’est-ce que vous avez envie de dire aux spectateurs pour qu’ils reviennent dans les salles de spectacle ?
J’ai envie de leur dire : faites revenir les gens ! Parce que sinon, vous allez calibrer vos loisirs à des choses qui vont s’appauvrir de plus en plus. Vous aurez moins de qualité, moins de choix, et vous serez prisonniers de votre téléviseur ! Et ça, c’est épouvantable…

La dernière cérémonie des César a été très critiquée. Pensez-vous, comme Gérard Jugnot, que ça ne va pas donner envie aux Français de revenir dans les salles de cinéma ?
Je suis tout à fait d’accord avec Jugnot ! C’est complètement grotesque. De toute façon, je me suis fait rayer volontairement des César depuis très longtemps. Je trouve cette cérémonie obsolète et mauvaise. Elle est nuisible pour le spectacle ! 

C’est vrai que ça donne l’image d’un entre-soi qui s’autocongratule et qui donne des leçons de morale à tout le monde…
Bien sûr. Il faudrait montrer ce que les gens veulent voir, c’est-à-dire des comédiens un tout petit peu glamours. Parce qu’en France, en général, ce n’est pas très glamour. C’est quand même cheveux gras et tenues approximatives. Chaque pays a ses défauts, mais là, on est monté d’un cran… Et de toute façon, un César, ce n’est pas un prix de la profession.  C’est un prix qui a été créé par Monsieur Cravenne, qui était un publicitaire. Et puis ce n’est pas le moment de faire des prix ! 

La troupe du Splendid, avec qui vous êtes proche, a été récompensée aux César. On a envie de dire : Enfin !
Oui. Je trouve ça scandaleux, 40 ans après, de donner un prix, même pas pour un meilleur film, mais de donner un prix spécial. C’est une récompense maladroite et idiote ! À partir du moment où on fait des prix spéciaux pour le comique, c’est qu’on n’aime pas la comédie et qu’on la considère mal. Et c’est pour ça aussi que je me suis fait rayer.

Il est vrai que les films qui font le plus d’entrées ne sont jamais récompensés… 
Jamais ! Ce qu’il faut récompenser, c’est le film qui a le plus plu aux gens, et pas faire de sélection. En général, je suis fier de faire de la comédie, et je sais que c’est très mal vu. Mais je m’en fous. Je sais que j’ai la récompense du public.

Autre sujet brûlant, celui des  quotas. Qu’en pensez-vous ?
Les quotas, c’est stupide ! Ça relève de la politique. On n’en a rien à foutre ! Il faut des comédiens et des comédiennes, point final. Et qu’ils soient noirs ou blancs, ils trouveront leur place. J’ai toujours fonctionné comme ça.

Ça fait 35 ans cette année que Coluche est mort. Vous étiez proches de lui…
Oui, très proche. Coluche est toujours là, même si on regrette qu’il ne soit pas vraiment là. Quand on revoit tous ses sketches et ce qu’il a fait, c’est extraordinaire. C’était un visionnaire, quelqu’un de très actif dans son époque. On regrette son départ, parce qu’il aurait pu améliorer beaucoup de choses. Il nous a quand même laissés Les Restos du cœur. Mais pas que ça. Il nous a laissés plein de messages et plein de belles choses.

À votre avis, il serait heureux dans notre époque ?
Alors là… Je ne sais pas. De toute façon, il gueulait toujours, parce qu’il aimait ça. Il aurait râlé un peu. Il aimait tout ce qui bougeait.

On a l’impression qu’on ne peut plus rire de tout aujourd’hui. C’est votre sentiment ?
J’ai l’impression que les gens s’autocensurent. On peut faire ce qu’on veut ! Ce qui compte, c’est la manière dont on dit les choses. L’humour, c’est voir quelque chose, voir la personne. Coluche, quand il faisait ses sketches, il fallait regarder  son visage, et c’est ça qui nous donnait la clé de tout. Les gens qui jugent les textes, c’est parce qu’ils veulent dire du mal. Ce sont des malfaisants. Il ne faut pas les écouter.

Vous vous étiez fâché avec Coluche, et vous étiez censé le revoir deux jours après son accident. Et ça n’a donc pas pu se faire…
Oui, j’étais en train d’écrire un scénario avec Christian Clavier, et on devait dîner avec Coluche deux jours après son accident.

Question bête, mais c’est un regret ?
Oui. C’est un regret qu’on a eu pas mal de temps après, bien sûr… On est rentrés à paris on a arrêté notre travail. C’est comme ça, c’est la vie, c’est dur…

Vous envisagez d’arrêt un jour la comédie ?
Non. Jusqu’au bout, je veux faire du cinéma, du théâtre et de la télé ! C’est mon métier, et j’aime ça de plus en plus.

Une dernière chose à ajouter ?
Dépêchons-nous de travailler un peu et sortir avant que ça se referme ! 

Pourquoi ? Vous pensez qu’après un été où tout rouvre, tout va refermer, comme en 2020 ?
Je le crains. Les Français ont du mal à comprendre, il leur faudra 5 ans. Il faut arrêter la plaisanterie un moment et ne pas déborder. 

Les Français ne sont pas assez prudents selon vous ?
Une bonne partie n’est pas assez prudente et fait n’importe quoi ! Je bosse tard le soir pour les répétitions, et j’ai vu passer beaucoup de choses dans la rue. J’ai vu beaucoup de gens sans masques, et tout cela, ça alimente le virus qui est très content et qui va continuer. On va sortir, on va aller sur les plages, et puis au retour, en septembre, tout va refermer. C’est épouvantable… Et puis les gens qui nous donnent des directives sanitaires sont à côté de la plaque. Ils nous donnent des directives dignes de 1850. Ils n’ont aucune organisation, rien, et ce sont eux qui conseillent les politiques…  

Interview réalisée par Jérôme Goulon (Twitter @JeromeGoulon)