L’hebdomadaire Marianne sur le point d’être racheté par Pierre-Édouard Stérin

16 mai, 2024 / Radouan Kourak

L’hebdomadaire Marianne est sur le point de changer de mains. Le groupe CMI France, propriété du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, a annoncé le 14 mai 2024 avoir signé un accord de négociation exclusive avec le groupe Otium, dirigé par Pierre-Édouard Stérin. Les parties disposent d’un mois pour finaliser la transaction, qui pourrait marquer un tournant significatif pour ce titre de presse fondé en 1997 par Jean-François Kahn et Maurice Szafran.

Pierre-Édouard Stérin, entrepreneur normand de 50 ans, est une figure atypique dans le paysage médiatique français. Classé 104e fortune de France par le magazine Challenges, cet homme d’affaires est à l’origine des coffrets cadeaux Smartbox et a développé le site de réservation de restaurants La Fourchette (ex The Fork), qu’il a revendu par la suite.

Depuis un an et demi, cet aventurier-entrepreneur multiplie les incursions dans le secteur des médias. Il détient des parts dans Neo, une plateforme de vidéos créée par Bernard de La Villardière, a financé le site d’investigation Factuel, et est entré au capital de la société propriétaire de la chaîne YouTube de débats Le Crayon. L’acquisition de « Marianne » représenterait son plus grand coup médiatique à ce jour. Les négociations exclusives avec le propriétaire actuel, Daniel Kretinsky, devraient aboutir d’ici un mois, laissant peu de temps pour finaliser cette transaction d’envergure.

Cette éventualité inquiète la rédaction de Marianne, dirigée par Natacha Polony, en raison du profil idéologique de Stérin. Ce dernier se décrit comme « libéral, conservateur et patriote », mais est perçu par certains comme un catholique traditionaliste. Marianne, titre de gauche souverainiste qui défend la laïcité, semble en décalage avec les convictions du milliardaire bien que les deux partagent une farouche opposition au wokisme. Malgré ces divergences, Stérin affirme que le magazine apporte une voix trop peu représentée dans le paysage médiatique. L’homme d’affaires semble tout de même attaché au pluralisme, comme en témoignent les lignes éditoriales aux antipodes les unes des autres des médias dans lesquels il est investisseur. Pierre-Édouard Stérin promet de préserver la ligne éditoriale et l’indépendance de la rédaction de Marianne. Il souhaite même voir Natacha Polony rester à la tête de la rédaction.

Marianne, qui a lancé une nouvelle formule en mars avec une pagination réduite de moitié et un prix de vente abaissé de 4,40 euros à 3,50 euros, a récemment connu un succès commercial. Cette initiative a entraîné une augmentation des ventes au numéro et des abonnements papier et numérique. En 2023, le magazine a vendu 129 000 exemplaires, enregistrant une légère baisse de 1,3 % par rapport à 2022. Toutefois, Marianne reste déficitaire, avec une perte de 3 millions d’euros sur un chiffre d’affaires de 12 millions d’euros.

Pour acquérir Marianne, Stérin a évoqué une somme de 10 millions d’euros, représentant une belle plus-value pour Kretinsky, qui avait acquis le titre pour la moitié de ce montant il y a cinq ans, tout en y investissant 15 millions d’euros. Cette transaction, si elle se concrétise, pourrait permettre à « Marianne » de stabiliser sa situation financière, bien que le magazine doive encore faire face à de nombreux défis pour retrouver une rentabilité durable.

Pierre-Édouard Stérin est perçu comme un libertarien défavorable à l’intervention de l’État dans l’économie et conservateur sur les questions sociétales. Depuis 2015, Stérin explore activement le paysage politique français, rencontrant des personnalités telles que François-Xavier Bellamy et Éric Zemmour, tout en niant tout soutien à ce dernier lors de la dernière élection présidentielle. Il a par ailleurs également approché des personnalités politiques de gauche comme Arnaud Montebourg afin d’échanger sur les questions de souveraineté industrielle. Bien que certains médias tentent de le peindre comme une figure d’extrême droite, Stérin est davantage un homme de droite souverainiste, défendant une vision libérale et libertarienne de la société.

Si la vente se concrétise, Marianne changera de propriétaire avant l’été, ouvrant une nouvelle ère pour l’hebdomadaire.