Les journalistes environnementaux sont les plus menacés de la planète

03 mai, 2024 / Radouan Kourak

Le dernier rapport de l’Unesco sur la sécurité des journalistes spécialisés dans les questions environnementales est un cri d’alarme sur l’état précaire de la liberté de la presse à l’échelle mondiale. Publiée à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, cette enquête révèle des données troublantes : plus de 70 % des journalistes de 129 pays, qui se consacrent à la couverture environnementale, ont été victimes de menaces, de pressions ou d’attaques.

Les chiffres sont saisissants : parmi les 905 journalistes interrogés en mars dernier, plus de 70 % ont déclaré avoir été la cible d’attaques, de menaces ou de pressions en raison de leurs enquêtes sur des sujets environnementaux. Parmi eux, deux sur cinq ont subi des violences physiques, témoignant ainsi du danger tangible auquel sont confrontés ces professionnels dans l’exercice de leur métier.

Cependant, les menaces ne se limitent pas aux agressions physiques. Un constat alarmant émerge des réponses recueillies : 85 % des journalistes concernés ont été victimes de menaces ou de pressions psychologiques, 60 % ont été harcelés en ligne, et 41 % ont été agressés physiquement. En outre, 24 % ont déclaré avoir été attaqués sur le plan juridique, soulignant ainsi la diversité des moyens utilisés pour entraver leur travail.

Cette insécurité se traduit par un niveau élevé d’autocensure, avec près de la moitié des journalistes (45 %) admettant se retenir dans leur travail par peur de représailles ou de voir leurs sources exposées. Ce phénomène est exacerbé par le fait que les femmes journalistes sont plus exposées que les hommes au harcèlement en ligne, ce qui contribue à une atmosphère de menace constante.

Les chiffres sur les actes de violence contre les journalistes environnementaux sont tout aussi alarmants. Entre 2009 et 2023, au moins 749 journalistes et organes de presse traitant de ces questions ont été la cible de meurtres, de violences physiques, de détentions, d’arrestations, de harcèlement en ligne ou d’attaques juridiques. Une augmentation de 42 % des cas a été relevée entre 2019 et 2023 par rapport à la période précédente, témoignant d’une escalade inquiétante de la violence contre les médias.

Le rapport souligne également le nombre choquant de journalistes tués dans l’exercice de leur métier, avec au moins 44 décès signalés depuis 2009 dans 15 pays différents. Ce nombre est accompagné d’un taux d’impunité alarmant de près de 90 %, soulignant les défis majeurs auxquels sont confrontés les défenseurs de la liberté de la presse.

Les journalistes environnementaux sont confrontés à des risques croissants du fait que leur travail entre souvent en conflit avec des intérêts économiques puissants, tels que l’exploitation forestière illégale ou le déversement de déchets toxiques. Malgré ces dangers, l’Unesco souligne l’importance cruciale du travail de ces journalistes, car ils fournissent des informations essentielles pour comprendre et résoudre la crise environnementale mondiale.

Dans ce contexte, l’Unesco appelle à un renforcement du soutien aux journalistes spécialisés dans les questions environnementales. Audrey Azoulay, directrice générale de l’Unesco, insiste sur le fait que des informations scientifiques fiables sont indispensables pour faire face à la crise environnementale actuelle. Elle met en garde contre la désinformation généralisée sur les réseaux sociaux, qui entrave la diffusion de connaissances vitales.

Cette enquête, dévoilée lors de la Conférence mondiale de la Journée mondiale de la liberté de la presse à Santiago du Chili, souligne que le problème est mondial, avec des attaques signalées dans 89 pays de toutes les régions du monde. Face à cette menace persistante, il est impératif de protéger la liberté des journalistes et de garantir leur sécurité afin qu’ils puissent continuer à informer le public sur les enjeux cruciaux liés à l’environnement.