Nordhal Lelandais papa en prison – Joseph Agostini : « Chez certaines femmes, c’est le sadisme qui les excitent et qui les rendent amoureuses de criminels. »

19 mars, 2024 / Jerome Goulon

Psychanaliste, Joseph Agostini a étudié le comportement des tueurs en série, qu’il analyse dans son livre Tueurs en série sur le divan. Suite à l’annonce de la paternité de Nordhal Lelandais en prison, nous lui avons demandé de nous décrypter le comportement de ces femmes qui tombent amoureuses de criminels…

Jérôme Goulon : Nordhal Lelandais vient de devenir papa en prison. Il peut paraître étonnant que des femmes tombent amoureuses de criminels. Comment expliquer ce phénomène ?
Joseph Agostini : Chez certaines femmes, il y a l’envie de sauver quelqu’un. Et puis de manière générale, le taulard a un pouvoir érotique sur les femmes. C’est un bad boy, un fantasme … Il a un peu gagné ses galons d’homme en défiant la loi. Ça érotise, et les femmes se laissent tenter par le taulard, qui est dans les standards masculins de la force.

Dans le cas de Nordhal Lelandais, on parle quand même d’un tueur de fillette… On ne peut pas dire qu’il y ait de quoi se vanter …
Dans le cas de Nordhal Lelandais, on entre dans le champ de la pédocriminalité, donc c’est complètement différent. Il y a forcément chez les femmes attirées par ce genre de profil une grande fragilité psychologique, parce qu’on ne peut pas s’adonner à des fantasmes sexuels avec des hommes qui ont un passif pédocriminel sans soi-même avoir des choses à régler du côté de la perversion … Nordhal Lelandais est un pédocriminel, mais aussi un pervers sexuel, car il a quand même tué une petite fille après l’avoir violée. Faire un enfant à cet homme, ça relève de quelque chose de questionnant sur le plan de la perversion …

Que peuvent bien ressentir les familles des victimes en apprenant qu’un criminel qui a tué leur enfant devient père en prison …
Si on part du principe qu’un criminel va sortir un jour de prison et qu’il va élever son enfant, et que le crime restera donc plus ou moins impuni, c’est le dégoût total. Mais ce n’est absolument pas le cas de Nordhal Lelandais, qui va purger une peine de 30 ans de prison, qui est poursuivi pour d’autres crimes, et qui donc ne devrait pas sortir de sitôt.

Je ne suis pas certain que ça console les familles ou que ça atténue leur dégout qu’un criminel fasse un enfant en prison…
Oui, mais on peut faire un enfant prison, et c’est très bien que les prisonniers jouissent de certains droits. On vit dans un pays républicain, et puis on sait aussi que les prisonniers qui sortent de prison sont moins récidivistes si on les a bien traités, si on a pensé à leur réinsertion … Donc torturer les prisonniers ou les aliéner, c’est la porte ouverte à toute forme de truanderie et de radicalisation.

Mais dans le cas de Nordhal Lelandais, ça ne vous choque pas ?
Évidemment qu’en tant qu’être humain, ça me choque qu’il y ait une femme qui porte le bébé d’un pédocriminel, un tueur d’enfant ultra médiatisé. Mais malgré tout, un détenu a le droit d’aller au parloir, de rencontrer sa famille et de tomber amoureux. On ne va pas non plus faire vivre les prisonniers dans une cellule humide avec des rats.

Autre interrogation : quand cet enfant va grandir, que va-t-il se passer dans sa tête, sachant qu’il est l’enfant d’un précriminel?
Je peux vous citer un exemple. J’ai un enfant de pédocriminel dans mon cabinet. C’est l’enfant d’un pédophile, et c’est quelqu’un qui a fait un très gros travail sur lui-même pour devenir père lui-même, pour pouvoir aimer, pour pouvoir se sentir en sécurité. Mais pendant longtemps, il a traîné ça comme un stigmate. Tout au long de son enfance et de son adolescence, il avait le sentiment d’une indignité morale très forte, le sentiment qu’il n’était pas comme les autres. Il se faisait chahuter à l’école, il avait intériorisé le fait que les autres avaient le droit de le voir comme un sous-être, un sous-homme, parce que c’était le fils d’un pédophile. C’est souvent ce qui pend au nez des enfants de pédophiles ou pédocriminels. Quand ils apprennent qui est leur père, ils éprouvent un sentiment de honte et ont tendance à intérioriser cette honte.

Un suivi psychologique est nécessaire pour avoir une vie normale ?
Oui, ça nécessite vraiment une psychothérapie, parce qu’avec les mots, on peut vraiment mettre à distance les méfaits de l’autre et se sentir digne de soi, pour finalement accéder à la vie amoureuse, à la paternité, à une vie saine, même si notre parent a commis l’irréparable.

Le cas de Nordhal Lelandais n’est pas isolé. Dans le passé, on a vu des femmes amoureuses de grands criminels ou tueurs en série. Ce sont forcément des femmes fragiles selon vous ?
À partir du moment où il y a un crime, tomber amoureux de quelqu’un, lui écrire des lettres, ça questionne et ça convoque toujours la fragilité psychologique. Ce sont des femmes qui forcément vont chercher un compagnon, un partenaire, voire un complice sadique. Chez certaines femmes, C’est le sadisme qui les excite et qui les rend amoureuses de criminels. Il y a forcément une problématique masochiste d’une ultra fragilité narcissique. C’est un peu le profil des femmes qui subissent des violences conjugales. Des femmes qui n’en sortent pas d’ailleurs. C’est une morsure inconsciente.

En parlant de sadisme, on pense forcément au cas de Monique Olivier, l’ex-femme de Michel Fourniret…
Absolument ! Monique Olivier, c’est typiquement la personne qui a vécu la perversion de son mari par procuration. Il y à la fois une fascination pour la personnalité sadique et à la fois une grande peur d’être soi-même, car chez Monique Olivier, c’est quand même une grande passivité comportementale, mais teintée de fascination. C’est-à-dire que la personnalité forte la fascine.

Est-ce que selon vous, ces femmes qui tombent amoureuses de criminels, ou cette femme qui porte l’enfant de Nordhal Lelandais, condamnent-elles ou pas les actes de ces criminels ?
Ça dépend vraiment de chaque femme. Je pense qu’avant tout, elles sont fascinées, parce qu’on ne peut pas aller vers des pedocriminels en prison sans trouver une fascination. Il y a aussi la notoriété qui entre en jeu. Nordhal Lelandais, prisonnier ultra médiatique, ce n’est pas pareil que si c’était un parfait inconnu. Quelque chose les pousse à être face au monstre, et plutôt que d’éprouver de la révulsion, elles vont trouver au contraire une sorte d’intérêt d’aimantation. Tomber amoureuse d’un pedocriminel, c’est tomber amoureuse de quelque chose qui nous échappe, quelque chose qui nous fait peur et qui nous attire en même temps, mais c’est quand même avoir un compte à régler avec sa propre enfance et son propre rapport à la souffrance de l’autre. Porter l’enfant de quelqu’un qui a lui-même tué un enfant, ça renvoie à quelqu’un d’une grande fragilité psychique …