EXCLU – Européennes : Trois « petits » candidats » réclament l’équité médiatique

24 avril, 2024 / Radouan Kourak

Au cœur de la démocratie se trouve le principe fondamental de la représentation équitable, où chaque voix compte et chaque opinion a sa place. Cependant, lors des périodes électorales, cette notion semble parfois s’effacer derrière les projecteurs médiatiques braqués sur les candidats les mieux établis dans les sondages. La responsabilité des médias radios et TV n’est en réalité pas totalement établie, dans la mesure où ces règles sont directement dictées par l’ARCOM, le régulateur. Entre le 1er janvier 2022 et le 3 avril 2022, lors de la campagne pour la dernière élection présidentielle, la question des temps de parole et d’expression dans les médias révélait des disparités significatives et qui s’avérait infondée après parution des résultats officiels.

Alors que Valérie Pécresse bénéficiait d’une crédibilité moyenne d’environ 9% dans les sondages tout au long de la campagne de la présidentielle 2022, Jean Lassalle, quant à lui, était crédité d’une moyenne d’à peine 2,2%. Cette disproportion se reflétait également dans le temps de parole accordé : Pécresse et ses partisans ont bénéficié d’un temps d’antenne 9,81 fois supérieur à celui de Lassalle et de ses équipes, malgré une représentativité électorale nettement moindre.

NDLR : Entre le 1er janvier 2022 et le 3 avril 2022, le temps de parole de Jean Lassale décompté par Entrevue était de 1 294 minutes et celui de Valérie Pécresse de 12 707 minutes. Quand on connaît le résultat de l’élection présidentielle, cela apparaît comme disproportionné, la candidate des Républicains a obtenu 4,78% des suffrages exprimés et Jean Lassalle 3,13%.

Face à cette réalité, trois candidats aux élections européennes ont décidé de briser le silence et de dénoncer l’inégalité médiatique dont ils se sentent victimes : Jean Marc Governatori pour Écologie au Centre, crédité de 2%, Jean Lassalle pour l’Alliance Rurale, crédité de 1%, et Florian Philippot pour Les Patriotes, également à 1%. Les données récentes du dernier sondage IFOP, réalisé pour TF1 sur un échantillon de 1339 personnes entre le 18 et le 22 avril 2024, attestent de cette sous-représentation. Entrevue a contacté les trois candidats et s’est entretenu avec chacun d’entre eux.

Jean Marc Governatori, tête de liste d’Écologie au Centre, exprime son mécontentement quant au manque de visibilité accordée à sa liste et à d’autres candidats moins médiatisés. Il publie une lettre ouverte aux dirigeants de l’audiovisuel sur le site d’information Opinion Internationale. Malgré des efforts de campagne soutenus et une couverture médiatique dans la presse nationale et régionale, il constate une marginalisation des candidats moins établis par les médias audiovisuels. Il pointe du doigt les chaînes publiques pour leur manque de pluralisme démocratique, ne les invitant pas dans les débats et émissions politiques, ce qui, selon lui, biaise l’information présentée au public et nuit à la démocratie.

Dans un geste radical, Governatori nous confie qu’il évoque même la possibilité d’une grève de la faim pour attirer l’attention sur cette question, soulignant l’importance de l’accès équitable aux médias pour tous les candidats.

En réponse à ce mécontentement, nous avons tout de même souligné à l’écologiste centriste qu’une de ses colistières était récemment présente sur les plateaux des grands médias en raison d’un buzz né sur les réseaux sociaux dans lequel elle a retouché ses photos de campagne grâce à l’IA.

« Oui c’est exact, mais c’est la seule entorse à ce plafond de verre, il y a la réponse dans votre question. Juliette de Causans a été invitée ces derniers jours dans les médias parce qu’elle avait retouché son image à l’intelligence artificielle et osé défendre un vrai féminisme de femme libre et forte ! Faut-il donc montrer ses seins, retoucher son image par l’IA ou aller jusqu’à la grève de la faim pour être invité ? », nous a-t-il répondu.

Florian Philippot, des Patriotes, rejoint ce constat d’injustice et d’opacité dans la répartition du temps de parole. Il critique l’obscurité des règles et le flou entourant le concept d’équité, soulignant que ni les chaînes de télévision ni l’ARCOM ne sont en mesure de définir précisément les critères. Pour lui, ce système fige le paysage politique et entrave le changement, mais il trouve un espoir dans le pouvoir des réseaux sociaux malgré les tentatives de contrôle et de censure. « Le seul moment durant lequel l’égalité est assurée c’est durant les 2 dernières semaines de l’élection présidentielle », assure-t-il.

Quant à Jean Lassalle, son expérience personnelle illustre les conséquences concrètes de cette sous-représentation médiatique. Il souligne que les sondages, en dictant l’envie des électeurs de se rendre aux urnes, confisquent la démocratie en décourageant la participation des électeurs des candidats moins crédités. L’impact direct sur les taux de participation est manifeste, comme l’illustre son propre cas lors de l’élection présidentielle précédente.

Dans cette lutte pour une démocratie plus équitable, ces candidats dénoncent dans Entrevue un système qui va à l’encontre des valeurs fondamentales de liberté, d’égalité et de fraternité, appelant à une réforme urgente pour garantir un accès équitable aux médias et un processus électoral véritablement représentatif.

Pour ces élections européennes, la période de décompte des temps de parole supervisée par l’ARCOM a débuté le 15 avril. Mais contrairement à l’élection présidentielle, l’équité plutôt que l’égalité de temps de parole est privilégiée en raison du grand nombre de listes. Dix-sept chaînes de télévision et dix stations de radio doivent respecter ces règles. Les médias écrits et en ligne doivent observer une période de réserve du 8 au 9 juin. De plus, le régulateur demande aux plateformes numériques de renforcer leur transparence dans la modération des contenus et la présentation d’informations officielles sur le processus électoral.