ENTREVUE – Jean Marc Governatori : « Le wokisme, l’ultralibéralisme et l’extrême gauche sont les ennemis de l’écologie »

05 juin, 2024 / Radouan Kourak

Entrepreneur, auteur et élu niçois, Jean Marc Governatori porte la liste d’Écologie au Centre pour les élections européennes en France. À l’occasion de la sortie de son dernier livre intitulé « L’alternative aux fossoyeuses de l’écologie politique », il accorde une interview exclusive à Entrevue, dans laquelle il revient sur ses profondes divergences avec Europe Écologie Les Verts. Dans un contexte marqué par des débats brûlants et controversés, il expose sa vision de l’écologie, ses propositions pour l’avenir, et aborde sans détour les enjeux majeurs tels que l’immigration, l’économie et la consommation responsable.

Entrevue : Dans votre dernier livre, vous vous en prenez aux « fossoyeuses de l’écologie politique ». Vous visez qui ?

Jean Marc Governatori : Je vise l’équipe dirigeante du premier parti écologiste français en termes d’antériorité et de visibilité médiatique. Cela leur confère une grande responsabilité dans les événements en cours, leurs erreurs sont très graves.

Vous ciblez trois femmes, Sandrine Rousseau, Marine Tondelier et Marie Toussaint. Certains voient ici une forme de misogynie, que leur répondez-vous ?

Ce genre de remarque est une nouvelle preuve que certains vivent dans un monde parallèle, tandis que les écologistes centristes que je représente en France, vivent dans le monde réel : les glaciers fondent, les forêts disparaissent, respirer tue (300 000 morts en 2023 dans l’UE), 90 % des cours d’eau ne sont pas en très bon état écologique, les finances publiques sont écarlates… et certains ne voient que le sexe des personnalités figurant sur la couverture de mon livre ! Les Français, et moi-même, nous nous fichons du sexe ou de la couleur de peau du politique : ce que nous voulons, ce sont des résultats. Or, les dirigeantes d’EELV sont des femmes, si c’étaient des hommes, cela aurait été évidemment la même chose pour moi. Il est capital que l’écologie prenne le pouvoir en France et en Europe et avec elles, c’est impossible. La déclaration récente de Sandrine Rousseau sur l’endettement excessif qui ne serait pas un problème est symptomatique de leurs égarements. Le cantonnement obsessionnel de l’écologie à gauche est du même acabit. L’écologie est au centre.

EELV est-il pour vous davantage un parti « woke » et d’extrême gauche qu’un parti écologiste ?

Oui, c’est un parti « woke », mais le wokisme et l’extrême gauche, tout comme l’ultralibéralisme, sont les ennemis de l’écologie et par conséquent les ennemis du bien commun. Ils sont les ennemis de l’écologie.

Et vous, Jean-Marc Governatori, êtes-vous de droite ou de gauche ?

Le journaliste Mathias Lebœuf a écrit un livre sur moi en 2022 et après 100 heures d’entretien, il m’a défini comme un écologiste inclassable. Le fondement de la droite est la responsabilité, le fondement de la gauche est la fraternité, seule l’écologie unit ces deux valeurs magnifiques.

Même sur la question environnementale, vous semblez porter un projet aux antipodes de celui de la liste EELV portée par Marie Toussaint. En quoi consiste votre vision de l’écologie ?

Comme je l’ai démontré dans mes livres, l’écologie est un projet de société complet qui embrasse les thèmes de l’environnement, de la santé, des finances, de la sécurité des biens et des personnes… Parmi les divergences que j’ai avec EELV, il y a le problème de la voiture électrique qui est un fléau environnemental, humain et géopolitique. Une voiture électrique est composée d’une batterie contenant du manganèse, du cobalt, du nickel, du lithium… leur extraction pollue l’eau, l’air, les terres et affecte les travailleurs. De plus, cela nous rend encore dépendants de l’extérieur. Les écologistes centristes veulent l’autonomie alimentaire et énergétique de nos régions. Nous voulons donc maintenir les voitures thermiques, ce qui sera bénéfique pour le pouvoir d’achat, les finances publiques, pour éviter les pollutions liées à la production de nouveaux véhicules. Nous souhaitons donc une nouvelle carburation qui accepte les agrocarburants de troisième génération, tels que les algues et les déchets verts. Je pourrais également vous parler de notre approche différente de la santé, où les politiciens conventionnels cherchent d’abord les solutions à l’extérieur, alors que les meilleures solutions sont l’éducation à la santé et la réduction des pollutions.

Vous êtes un candidat écologiste, mais comment vous positionnez-vous sur les autres sujets, notamment sur l’immigration et sur l’économie ?

J’ai été nommé à deux reprises meilleur gestionnaire de France, l’économie je la connais ! Notre premier poste de dépenses est la santé, avec 300 milliards d’euros par an. En favorisant l’éducation à la santé pour les enfants et les adultes, en réduisant les pollutions, nous économiserons des dizaines de milliards d’euros et beaucoup de souffrances évitables dès la première année. Dans une entreprise, un mauvais gestionnaire est écarté, mais en France, on les garde ! Nous devons arrêter la création de grandes surfaces et de centres commerciaux, taxer les mètres carrés illicites, ce qui rapportera encore des dizaines de milliards d’euros… Il faut un étiquetage clair et informatif, ce qui fera réaliser des économies à tout le monde, réduire le nombre d’agences d’État à 1200, associer et utiliser les ultra-riches à la gestion de secteurs clés comme l’agriculture biologique ou la rénovation énergétique dans une région choisie par eux… Je veux de la compétence dans les décisions pour le bien commun ! En matière migratoire, soit on vit dans un monde parallèle comme le RN et EELV, soit on vit dans le monde réel : fermer 15 000 km de frontières terrestres européennes est impossible, tout comme recevoir tout le monde. C’est pourquoi je suis favorable à la loi sur l’immigration du ministre Gérald Darmanin et au pacte sur l’immigration de l’UE. Rendre nos territoires attractifs est une erreur, nous n’avons malheureusement pas les moyens d’accueillir tout le monde. Aider leurs agricultures locales réduira les volontés migratoires.

Vous avez fait fortune dans le commerce et vous êtes écologiste. Est-ce vraiment compatible ?

Être écologiste, c’est reconnaître les deux valeurs primordiales : la fraternité, qui est le fondement de la pensée de gauche, et la responsabilité, qui est le fondement de la pensée de droite. L’application de ces principes produit une politique juste. Force est de constater que tous les autres systèmes appliqués ont échoué, il suffit de regarder la situation environnementale, financière, sociale et sanitaire du monde. Ma conscience s’est construite par mes actions associatives et entrepreneuriales, je suis donc dans le monde réel tandis que les politiciens conventionnels sont dans le monde parallèle et y entraînent une partie de la population.

La conjoncture actuelle fait que le pouvoir d’achat est la priorité centrale des ménages français, vous appelez à une consommation alimentaire bio, mais l’écologie n’est-elle pas aujourd’hui devenue un luxe ?

La priorité pour la puissance publique doit être la santé individuelle. Or, la santé passe par une alimentation saine. Au lieu de subventionner les exploitations géantes qui, par exemple, appauvrissent les sols par la monoculture et l’emploi massif de produits chimiques de synthèse, il faut privilégier l’agriculture biologique. Il est également essentiel de redonner du pouvoir d’achat aux Français grâce à l’économie circulaire, à une politique de santé et au covoiturage, afin que la part du revenu consacrée à l’alimentation soit plus importante.

Vous surprenez votre monde en appelant les super-riches à s’engager pour la planète. Pourquoi ?

Comme je l’ai mentionné, je vis dans le monde réel où l’on comprend que le terrain d’action des ultra-riches est la planète. Par conséquent, le matraquage fiscal est totalement inefficace et les éliminer, comme le veut EELV, est totalement stupide. Je souhaite plutôt que l’on change de regard sur eux, qu’on exploite leur potentiel avec leur accord, et qu’on utilise leurs compétences, notamment en matière de recrutement. Ainsi, un ou plusieurs ultra-riches pourraient choisir une région où ils prendraient en charge la gestion des énergies renouvelables, la rénovation thermique, l’agriculture biologique, l’économie circulaire, etc. En France, il existe une quarantaine de milliardaires et 5000 ultra-riches, tandis qu’en Europe, on compte 600 milliardaires et 50 000 ultra-riches. Ils font partie de la solution.

Quelles sont vos trois propositions clés pour convaincre les électeurs de voter pour vous ?

Je leur suggère d’examiner mon parcours professionnel, de se pencher sur notre projet de société et de constater que toutes les autres listes ont promis des choses magnifiques lors de la précédente campagne européenne en 2019, mais ont finalement débouché sur des impasses ! Jordan Bardella, par exemple, affirmait en 2019 : « Élisez-moi, vous allez voir ce que vous allez voir ». Les Français l’ont placé en première position et sa campagne était axée comme d’habitude sur la problématique de l’immigration. Aujourd’hui, il revient avec les mêmes discours. Soit il est incompétent, soit sa manière d’aborder les problèmes est telle que les autres groupes du parlement européen ne coopèrent pas avec lui, ce qui en fait un producteur d’échec.

Mais il existe une multitude de listes écologistes dites « anti-EELV » qui concourent à ces élections européennes. La division ne peut que vous éloigner de la barre essentielle des 5 % nécessaire pour faire élire des députés européens. Pourquoi n’avez-vous pas présenté une liste unique ?

C’est une erreur, il n’y aura qu’une seule liste écologiste en opposition à EELV. Les tables de votes afficheront les bulletins « Écologie au Centre » en opposition à ceux d’EELV.

Propos recueillis par Radouan Kourak