Enlèvements, meurtres, mutilations : « Les Poupées », le nouveau polar glaçant d’Alexis Laipsker

17 février, 2022 / Jerome Goulon

Alexis Laipsker, figure incontournable du poker et ex-animateur de La maison du bluff, sur NRJ 12, s’impose petit à petit comme la nouvelle voix du polar français. Après « Et avec votre esprit » et « Le mangeur d’âmes », qui seront bientôt adaptés en films, il publie ce mois-ci son troisième polar, « Les poupées », aux éditions Michel Lafon. Un thriller glaçant et palpitant à découvrir de toute urgence !

Interview réalisée par Jérôme Goulon (Twitter @JeromeGoulon)

Jérôme Goulon : Tu publies ton troisième polar. Quel sentiment t’envahit en attendant les retours ? Plus stressé ou moins stressé que lors de la sortie des deux premiers ?
Alexis Laipsker : Le stress est toujours là. Un roman c’est une part de soi, c’est très personnel. Donc, on a envie qu’il soit bien accueilli par les lecteurs. 

Ce polar est très sombre, comme les deux premiers. Il y a une sorte de noirceur en toi ?
Noirceur, peut-être pas, mais je me nourris de la contre-culture, de la culture « de genre » : j’écoute de la musique extrême, je joue au poker et aux jeux de rôles, j’aime le street art, je regarde et je lis des thrillers.

D’où te vient ton inspiration ?
J’invoque les forces du Mal ! (Rires) Non, je n’en sais rien. Cela vient quand je ne m’y attends pas.

Les scènes de crimes que tu décris sont parfois gores, très détaillées et très réalistes. Quel est ton secret ? Tu t’es rendu sur des scènes de crimes ?
Même pas. Ce qui rend le tout réaliste, c’est que je fais vivre la scène au lecteur. Je ne m’attarde pas dans le gore, je privilégie le ressenti. Le lecteur a l’impression d’y être. S’attarder sur les émotions, c’est beaucoup plus efficace que de décrire une vraie scène. Pour cette raison, la documentation a ses limites. Encore une fois, je privilégie ce que le lecteur va éprouver.

Tu as déjà fait des cauchemars en écrivant tes propres polars ?
(Rires) Non ! Mais il m’arrive de me réveiller en sursaut parce que j’ai une nouvelle idée.

Tu as obtenu récemment le « Prix nouvelle voix du polar ». Tu t’y attendais ?
Pour être honnête, je savais que j’étais favori. Pour autant, j’étais en compétition avec des auteurs de talents, donc j’ai stressé jusqu’au dernier jour des votes.

Comment as-tu vécu cette récompense, et est-ce que ça a eu un impact ?
Comme je le disais plus haut, un livre c’est très personnel. Cela vient du plus profond de soi. Recevoir une récompense, c’est très émouvant. Plus concrètement, ça a fait décoller mes ventes, ça m’a fait connaitre du grand public. Cela m’a aussi rapproché de mon autre éditeur, Pocket.

Tu as demandé une prime à Michel Lafon ?
J’ai exigé une Maserati. J’attends.

Le prix Goncourt, c’est pour quand ?
Je ne sais pas ce qu’il se passe, je ne l’ai pas encore reçu. Le comité doit penser que je suis au-dessus de ça ! (Rires) 

Tu as l’étiquette du joueur de poker. En France, on aime bien mettre les gens dans des cases. As-tu enfin l’impression que ceux qui ne voyaient en toi que le « Monsieur Poker » te voient enfin comme un écrivain à part entière ?
C’est vrai. Toutefois, la communauté des joueurs de poker s’est montrée très ouverte d’esprit et cette idée folle d’écrire des romans a été très bien accueillie. Je sais que de nombreux joueurs se sont remis à la lecture grâce à mes bouquins. Cela a suscité de la curiosité, mais pas de jalousie ni d’hostilité, au contraire.  

Tu t’inspires parfois de ta vie dans tes polars, pour les lieux ou les personnages. Dans ce troisième policier, y a-t-il des éléments inspirés directement de ta propre vie ?
Quelques-uns. Je tremble de la main droite, comme le héros. Comme lui, je suis râleur, pressé, exigeant. Le reste est pure fiction. Pour mon premier roman, Et avec votre esprit, j’avais davantage pioché dans ma propre vie. Aujourd’hui, je m’appuie surtout sur mon imagination.

Si tu devais être un personnage d’un de tes polars, tu ferais un meilleur tueur en série ou un meilleur flic ?
Je ne pense pas être capable de tuer de sang-froid, ce qui constitue un obstacle conséquent pour développer une carrière de tueur en série. Donc, par défaut, je préfère être flic. Cela ne veut pas dire que je serais bon.

Si tu devais donner un conseil aux tueurs en série pour ne pas se faire prendre, ce serait lequel ?
De devenir dirigeant politique d’un pays riche et puissant. Certains dictateurs ont plus de sang sur les mains que tous les Ted Bundy et Charles Manson.

Et si tu devais donner un conseil aux policiers pour coincer un tueur en série, ce serait lequel ?
De faire leur boulot et d’arrêter d’écouter les conseils des romanciers ! (Rires)

Parmi tous les tueurs en série qui existent, y en a-t-il qui te fascinent ou t’ont inspiré ? 
De manière générale, je n’aime pas trop m’inspirer de la réalité. Un type qui fait souffrir et qui tue des gens, je ne vois pas ce que ça a de fascinant en vrai. Je ne m’y suis jamais intéressé. Dans un thriller, c’est différent car je vais faire vivre des émotions – dont la peur – au service d’une histoire complexe. C’est l’histoire, le moteur de mes livres, le tueur n’est qu’une pièce du puzzle.

À chaque sortie d’un de tes polars, tes fans attendent vivement le prochain. Le quatrième est en route ?
Oui. J’ai une telle envie d’écrire, que je me lance dès que j’en ressens le besoin. C’est naturel. L’angoisse de la page blanche, je ne connais pas.

Quel est le plus beau compliment qu’on t’ait fait pour un polar ?
Des lectrices m’ont dit qu’elles avaient terminé Le Mangeur d’âmes en larmes. J’avoue que quand on s’attache à transmettre des émotions, c’est un compliment très fort. Sinon, le mot «addictif» revient très souvent, et c’est vraiment appréciable.

Et à l’inverse, quelle et est la critique qui te blesse le plus ?
J’ai la chance d’en avoir reçu très peu. Ce qui m’énerve, ce sont les gens qui disent : « Je n’ai pas aimé parce que j’avais deviné la fin ». C’est absurde. Dans un polar, il y a 7 ou 8 fins possibles, rarement plus. Quel mérite on a d’avoir eu une chance sur huit de trouver ? Si ça suffit à gâcher une lecture, il faut arrêter de lire des polars. Un roman, c’est une histoire, un rythme, des personnages, une dimension dramatique, du suspense, des retournements de situation, des descriptions, etc. Faire abstraction de ça pour ne retenir que la fin, c’est absurde.

Qu’as-tu envie de dire à ceux qui n’ont pas encore lu tes polars ?
Qu’ils passent à côté de quelque chose. Mes romans sont rythmés, bourrés de suspense, de rebondissements, animés par des personnages intéressants et le tout se termine par un fin « coup de poing ». Je suis très fier d’avoir redonné le goût de la lecture à des personnes qui avaient complètement abandonné.

Tes deux premiers polars vont peut-être être adaptés en films. On peut en parler ou c’est encore trop tôt ?
Et avec votre esprit doit être décliné en cinq épisodes d’une heure. Quant au Mangeur d’âmes, il est en cours d’adaptation. Il devrait sortir en salles en 2023.

Pour finir, le poker et toi, c’est du passé ou toujours d’actu ?
Tant que ça me plaira, je resterai dans ce milieu. Simplement, aujourd’hui, j’ai le confort et la liberté de ne pas me sentir obligé d’y rester.

Les poupées, d’Alexis Laipsker, aux éditions Michel Lafon