Daft Punk, fin d’un duo mythique

01 mars, 2021 / Jerome Goulon

« Les ordinateurs ont pris le dessus sur la création musicale. »

Le 22 février, Daft Punk, le duo français formé en 1993 par Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo, a annoncé sa séparation, créant l’émoi. Célèbres pour leur génie et leurs fameux casques, nous les avions rencontrés pour la sortie de l’album Random Access Memories et de leur tube Get Lucky. En hommage à ce duo de légende, voici cette interview.

Par Jérôme Goulon (Twitter @JeromeGoulon)

Entrevue : Vous êtes soulagés de voir le succès que rencontre votre album Random Access Memories ?
Thomas Bangalter : On a été excités et heureux que cela soit fini. à sa sortie, on était enfin prêts à le partager avec les gens qui voulaient l’écouter.

Vous avez ressenti de la pression ?
Thomas Bangalter : C’est très étrange parce que nous ne faisons jamais de musique en pensant à un public en particulier. Pour faire ce disque, on s’est déconnectés du monde. Considérant que l’on n’avait pas sorti d’album depuis huit ans, c’était normal que l’attente du public soit forte, mais on ne comprend toujours pas pourquoi !

Alors que vous commenciez à travailler sur l’album en 2008, vous avez déclaré vous sentir déconnectés de la musique de l’époque. Que vouliez-vous dire ?
Thomas Bangalter : Depuis six-sept ans, on a remarqué que l’on écoutait beaucoup de musiques indépendantes. Ce qui est grand public, comme la pop ou ce qui passe à la radio, ne nous touche plus. On était déconnectés, quoi !

Vous voulez dire que la musique de ces années-là n’est pas bonne ?
Thomas Bangalter :
Non, c’est juste un fait. On s’est demandé si c’est nous qui avions changé. Quand nous avons fait « Get Lucky » (le premier single de l’album, Ndlr.) on s’est dit que c’est le genre de chanson qu’on aimerait entendre à la radio. Et là, il passe en rotation lourde, ça nous reconnecte, nous ne sommes plus si différents des auditeurs des radios comme il y a cinq ans.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le disque est très groovy. C’est le résultat que vous vouliez dès le départ ?
Thomas Bangalter : En fait, on est partis du constat que les ordinateurs ont pris le dessus sur la création musicale. Et c’est donc pour ça que sur ce disque, l’idée de faire de la dance ou de la pop avec des êtres humains a vraiment tourné à l’expérimentation ! On voulait vraiment l’enregistrer à l’ancienne.

C’est pour ça qu’il sonne très années 70, début des années 80 ?
Thomas Bangalter : On a bossé avec de grands musiciens de cette époque pour recréer une certaine ambiance, pour voir si la magie opérerait de nouveau. C’était un peu la recherche d’une recette aujourd’hui disparue. On voulait voir ce qu’on pouvait apprendre de types qui ont connu cette période plutôt qu’avec des mecs de notre génération. Au début, on ne pensait pas faire un album, on voulait simplement expérimenter des trucs spontanément.

C’est un choix délibéré d’avoir utilisé des paroles très optimistes ?
Thomas Bangalter : La plupart des idées derrière ce disque vont dans le sens d’une célébration. Et puis un peu d’optimisme dans un monde qui ne l’est plus, ça ne peut pas faire de mal !

Y a-t-il eu un certain moment pendant l’enregistrement où vous étiez vraiment heureux de ce que vous faisiez ?
Guy-Manuel de Homem-Christo :
On a toujours fait attention de mettre sur un disque ce que nous aimons à 100 %. Il est hors de question d’être lassé par une chanson. C’est pour ça que nous sommes heureux du résultat final.

La batterie a une place très importante sur cet album. C’est toi qui en joues ?
Guy-Manuel de Homem-Christo : Non, pas vraiment, seulement pour les démos. Je n’ai pas le niveau pour le faire. Je peux en jouer cinq secondes mais tenir toute une chanson, c’est impossible, je suis désolé…