Billy Obam : «Gainsbourg s’est comporté comme un père avec moi.»

13 février, 2024 / Jerome Goulon

Charlotte Gainsbourg vient d’ouvrir au public l’ancienne maison de Serge Gainsbourg, située au 5 bis rue de Verneuil à Paris, 32 ans après le décès du chanteur. Billy Obam, qui fut le choriste et danseur de Gainsbourg sur le titre You’re Under Arrest, sorti en 1987, nous raconte son intimité avec le chanteur. Des confessions touchantes, qui nous rappellent une nouvelle fois à quel point Gainsbourg était un artiste unique.

Jérôme Goulon : Tu viens de sortir ton single et ton clip Gainsbourg Was The Best. Serge Gainsbourg a toujours autant d’importance dans ta vie ?
Billy Obam : Oui. Serge est un artiste majeur de la chanson française, et cette chanson, Gainsbourg Was The Best, c’est un hommage à mon amitié avec Serge et tout ce qu’il m’a apporté.

Tu fais partie des personnes qui ont connu le 5 bis rue de Verneuil, à Paris, où a vécu Gainsbourg. Sa fille, Charlotte, a ouvert en septembre cette maison au public. Ça te fait quel effet ?
Je remercie vraiment Charlotte Gainsbourg d’avoir fait ça. De là où il est, Serge Gainsbourg doit être ravi de cette initiative. J’ai eu très peur, car à un moment, il a été question que cette maison soit vendue, mais ça n’a pas été le cas. Quand j’ai su que Charlotte avait récupéré les droits sur cette maison et qu’elle voulait en faire un musée, j’ai trouvé ça merveilleux. Pour les gens qui aiment Gainsbourg, c’est un vrai bonheur. C’est une façon de permettre à Gainsbourg de continuer d’exister.

Qu’est-ce que cette adresse représente pour toi ?
La maison de Gainsbourg, ça représente quelque chose de très important dans ma vie. La première fois que j’ai rencontré Serge Gainsbourg, c’était au 5 bis rue de Verneuil. C’était en 1987, j’avais 20 ans. Il cherchait un danseur et un choriste pour faire la promo à la télé de son titre You’r Under Arrest et tourner le clip, car le chanteur américain Curtis King. Jr., qui avait posé sa voix sur le disque, n’était pas disponible. À la suite d’un casting que j’avais fait avec Philippe Lerichomme, son parolier, une limousine est venue me chercher et m’a emmené au 5 bis. J’arrive, la porte s’ouvre, et j’ai Serge Gainsbourg devant moi. La première chose qui me frappe sur le moment, ce sont ces murs complètement noirs et une énorme photo de Brigitte Bardot nue. Je n’oublierai jamais ce moment. Serge était là, il me regardait, j’étais très intimidé. Lui était très taquin. Le majordome m’a amené un Coca-Cola, et Serge m’a demandé de danser devant lui. Il m’a fait croire que je passais une audition, alors qu’il m’avait déjà choisi. Donc, ça, c’est mon premier souvenir avec lui. Mais le 5 bis, c’est aussi un douloureux souvenir.

Tu fais partie en effet des personnes qui ont vu Serge Gainsbourg sur son lit de mort …
Oui. Un jour, je reçois un coup de fil de Philippe Lerichomme, qui m’annonce la mort de Serge. Je me rends rue de Verneuil, et donc la dernière fois que je vois Serge, c’est en haut, à l’étage. Serge était allongé sur son lit, mort, avec une peluche à côté de lui. J’ai ressenti beaucoup de tristesse à ce moment-là. Je n’arrivai pas à croire que Gainsbourg était mort. J’avais l’impression qu’il dormait. Ce qui était très bizarre, c’est qu’en arrivant rue de Verneuil, les gens présents dans la rue m’applaudissaient. Je n’ai pas compris pourquoi sur le moment…

Tu repasses de temps en temps devant la maison de Gainsbourg ?
Oui. Quand je suis vers Saint-Germain-Des-Prés, cela m’arrive de passer devant la maison de Serge Gainsbourg. C’est très émouvant pour moi, car j’ai vécu des moments magnifiques avec lui. On a mangé ensemble et chanté des chansons dans cette maison. Je l’écoutais aussi me jouer du piano … J’avais 20 ans, et Gainsbourg s’est comporté comme un père avec moi. Je lui dois énormément. Nous étions proches.

Il y a des moments forts qui t’ont marqué plus que d’autres ?
On a passé quelques soirées ensemble. Il avait des moments difficiles. Serge Gainsbourg n’avait pas digéré sa séparation avec Jane Birkin. Il a pleuré dans mes bras plusieurs fois. Je pense que je lui apportais du réconfort.

Il pleurait à cause de Jane Birkin alors qu’il était avec Bambou ?
Oui. Ça ne veut pas dire qu’il n’aimait pas Bambou, mais Jane Birkin et lui, c’était une histoire très forte. D’ailleurs, quand on parle de Gainsbourg, tout le monde l’associe à Jane Birkin, et pas une autre. On l’a bien vu à sa mort en juillet dernier. Pour te dire à quel point il n’avait pas oublié Jane Birkin, Bambou n’avait pas le droit de toucher la statue de la sirène qui était au pied de son lit, car c’était « la statue de Jane Birkin ».

Quand Serge Gainsbourg t’a fait venir avec lui dans des émissions, on ne voyait pas beaucoup de Noirs à la télé. C’était un précurseur ?
Tu as raison, on ne voyait pas de Noirs à la télévision, à part les stars américaines. C’était sa magie à lui. Gainsbourg a été l’un des premiers à s’exposer avec une personne de couleur. Il m’a fait venir sur Champs-Élysées, Sacrée soirée, Lahaye d’honneur, ou encore chez les Carpentier … Il m’a fait faire toutes les plus grosses émissions…

Que retiens-tu de lui ?
Gainsbourg était quelqu’un de très humain et de très touchant… Il adorait l’Afrique et quand je venais chez lui, il me cuisinait parfois des bananes plantain. Un jour, il est même venu rendre visite à ma maman à Bruxelles, car il me l’avait promis, alors que rien ne l’y obligeait. Il n’y a pas beaucoup d’artistes qui feraient ça aujourd’hui…

Interview réalisée par Jérome Goulon