Mal-logement à Paris : La mairie et les associations tirent la sonnette d’alarme

07 juin, 2024 / Entrevue

La crise du logement à Paris atteint des proportions inquiétantes, avec un nombre croissant de ménages en situation de mal-logement. Selon les dernières données, la capitale compte désormais deux fois plus de ménages prioritaires à reloger qu’en 2018. Face à cette urgence, la mairie de Paris et l’association Droit au Logement (DAL) lancent un appel à l’action, dénonçant une pénurie croissante de solutions d’hébergement et une demande sans précédent pour des logements sociaux.

Depuis ce dimanche, une quarantaine de personnes, composées de familles et d’individus seuls, ont réinstallé un campement de fortune place de la Bastille, autorisé par la préfecture de police. Ces occupants, reconnus prioritaires DALO (droit au logement opposable), se retrouvent sans abri ou entassés dans des hébergements précaires, chez des marchands de sommeil, ou encore sous menace d’expulsion.

Une Situation de Mal-logement Envenimée

Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de l’association DAL, exprime son inquiétude face à la situation : « Il y a deux fois plus de ménages prioritaires à reloger qu’il y a cinq ans. En 2018, il y en avait 15 877. Aujourd’hui, on en compte 30 997. » Cette augmentation dramatique reflète la détresse croissante des personnes qui, malgré un travail et une situation régulière, se retrouvent à dormir dans leurs voitures ou dans des logements insalubres.

Le campement de la Bastille, occupé depuis dimanche, vise à mettre en lumière ces situations difficiles. Les manifestants, alternant pour dormir sur des lits de camp, ont déployé des banderoles proclamant : « Sans-logis, mal-logés et Locataires : droits piétinés et réprimés ». Ces actes de protestation culminent avec des manifestations bruyantes, comme celle du jeudi où les mal-logés ont fait retentir des casseroles sous les fenêtres du ministre délégué chargé du Logement, Guillaume Kasbarian, pour attirer l’attention sur leur cause.

Des Statistiques Alarmantes

La ville de Paris, par la voix de Jacques Baudrier, adjoint (PCF) à la maire de Paris en charge du logement, juge la crise du logement « inquiétante ». Paris compte plus de 270 000 logements vacants et résidences secondaires, tandis que 280 000 demandeurs de logement social attendent une solution. Chaque année, 10 000 logements sociaux sont attribués – un tiers par la ville, le reste par l’État et Action Logement. Toutefois, ces chiffres restent insuffisants face à la demande croissante.

Cette année, la ville de Paris a alloué 625 millions d’euros pour créer, construire et rénover des logements, une augmentation de 120 millions par rapport à l’année précédente. Jacques Baudrier estime que « si l’État accepte de nous laisser taxer les résidences secondaires et vacantes, cela pourrait libérer 100 000 logements, de quoi loger 200 000 personnes ». Cependant, cette proposition nécessite l’accord du gouvernement pour être mise en œuvre.

Une Demande Dépassant Largement l’Offre

Malgré ces efforts, la demande de logements sociaux à Paris dépasse de loin l’offre disponible. Le site Loc’Annonces, utilisé par les demandeurs de HLM pour postuler à des logements sociaux, est en surchauffe. Par exemple, un T1 situé dans une petite cité HLM du XIXe arrondissement a reçu 1 320 demandes en seulement 72 heures.

En outre, la situation des étudiants est particulièrement préoccupante. Jacques Baudrier prévient que, face à la rentrée universitaire, beaucoup d’étudiants risquent de se retrouver sans logement en raison du manque d’offres disponibles. Cette crise du logement menace ainsi une large partie de la population, des familles aux jeunes en passant par les travailleurs précaires.

Appel à l’Intervention de l’État

Jean-Baptiste Eyraud insiste sur la nécessité d’un engagement fort de l’État pour résoudre cette crise. Le 18 juin prochain, alors que le projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables sera examiné au Sénat, le DAL et d’autres collectifs organiseront un rassemblement pour relancer la production de logements sociaux à Paris. Ce rassemblement vise à interpeller les autorités sur l’urgence d’accroître l’offre de logements sociaux et de trouver des solutions pérennes pour les personnes en situation de mal-logement.

La situation reste critique et nécessite une intervention rapide et soutenue pour répondre aux besoins croissants des Parisiens en quête d’un logement décent. La crise du logement à Paris est un problème complexe qui demande des solutions innovantes et un engagement fort de tous les acteurs impliqués, y compris le gouvernement, les collectivités locales, et les associations de défense des droits au logement.