Liberté d’expression : Michel Houellebecq dénonce la montée de la censure
Dans un entretien sans tabou pour le JDNews, l’écrivain à succès Michel Houellebecq, évoque son attachement indéfectible à la liberté d’expression, tout en admettant une limite : le respect de la vie privée. En pleine actualité, où ce droit semble constamment menacé, Houellebecq revient sur ses expériences personnelles, ses procès, et les dangers croissants que représentent la censure et la culture de l’indignation.
La liberté d’expression, un combat personnel
Interrogé sur son hésitation initiale à participer à cet entretien, l’écrivain explique : « Je pensais que la question de la liberté d’expression était dépassée en France ». Pourtant, avec le recul, il se rappelle avoir lui-même été traîné en justice à deux reprises. Le premier procès l’a opposé à un centre de vacances, et le second à l’association Dignitas, en Suisse et en Allemagne, pour ses propos sur le suicide assisté. Dans les deux affaires, il a remporté la victoire, mais l’écrivain en tire un constat amer : « Il faut se méfier des interviews, tout autant que des gardes à vue ».
Houellebecq admet une seule limite à la liberté d’expression : la vie privée. Il se souvient avoir gardé les vrais noms de certains personnages secondaires dans son premier roman, une erreur qu’il regrette aujourd’hui. « Lorsqu’une personne voit sa vie intime dévoilée dans un roman, je me sens du côté du plaignant », confie-t-il. En revanche, il estime qu’une personne publique, en tant que « marque », ne peut pas se plaindre des critiques à son encontre. Cela inclut des figures comme Philippe Sollers, Mick Jagger ou Karl Lagerfeld, qu’il a mentionnées sans jamais être attaqué.
Une liberté en recul
Selon lui, la liberté d’expression a régressé. Il pointe du doigt le contraste entre les critiques élogieuses des médias français pour des auteurs américains comme Bret Easton Ellis, alors que les mêmes propos seraient inacceptables de la part d’un auteur français. Il ajoute : « Si je devais donner un conseil aux jeunes auteurs, ce serait d’accorder leurs interviews à des médias étrangers ».
Houellebecq a connu des procès, notamment après ses propos controversés sur l’islam en 2001. Il regrette la montée en puissance des dénonciateurs dans les médias et sur les réseaux sociaux : « Le moindre tweet est surveillé. Les commentaires en ligne réveillent ce qu’il y a de pire chez les gens ». Cette culture du lynchage a, selon lui, des conséquences sociales dramatiques, comme l’illustre le cas de John Galliano ou de Gérard Depardieu, qu’il défend face aux accusations de la justice et de l’opinion publique.
Un avenir sombre pour la liberté d’expression
À la question de savoir s’il existe des « blasphèmes interdits », Houellebecq répond sans hésiter que la liste des sujets tabous ne cesse de s’allonger. Les artistes, autrefois protégés, sont désormais dans le collimateur de la censure. Il conclut en citant Gaspard Proust, un humoriste qu’il admire, mais qu’il craint de voir bientôt victime de cette chasse à la moindre déviation du politiquement correct.