Fête de l’Huma : un face-à-face tendu entre Sophie Binet et Patrick Martin
Lors de la Fête de l’Humanité, événement incontournable pour la gauche française, un moment inédit s’est produit ce week-end à Brétigny-sur-Orge : le président du Medef, Patrick Martin, a affronté sur scène la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet. Si les débats étaient courtois, les divergences de fond ont vite émergé sur des sujets brûlants comme la hausse des salaires, l’énergie, et la réindustrialisation. Retour sur les dessous d’un échange électrique.
Le ton est donné dès les premières minutes de ce face-à-face. Sophie Binet, caustique, interpelle Patrick Martin sur l’emploi des seniors, un dossier délicat dont les négociations avaient échoué au printemps. « On commence à négocier ici à la Fête de l’Huma ? J’ai un stylo, j’espère que vous avez le chéquier », lance-t-elle sous les applaudissements d’un public conquis.
Les salaires, au cœur des dissensions
Rapidement, le sujet des salaires est mis sur la table, et là, les désaccords sont flagrants. Sophie Binet critique les exonérations massives offertes aux entreprises, rappelant les « 170 milliards d’aides » estimées par des chercheurs pour la CGT. « Vous nous coûtez un pognon de dingue », s’exclame-t-elle, une phrase accueillie par une ovation.
De son côté, Patrick Martin reconnaît qu’il « faut augmenter les salaires », ce qui lui vaut des applaudissements inattendus de la salle. Mais la trêve est de courte durée. Il appelle dans la foulée à revoir les « régimes sociaux », ce qui provoque de vives réactions dans le public. La sémantique devient un terrain de bataille : « On dit cotisations, pas charges », corrige Sophie Binet, affirmant que le choix des mots n’est pas neutre.
Quelques points d’accord… en apparence
Malgré les divergences, quelques constats semblent rapprocher les deux dirigeants. Tous deux partagent l’urgence de réindustrialiser la France, même si leurs approches diffèrent. Patrick Martin déplore que l’Europe ait « ouvert grand les portes » sans champions industriels. Sophie Binet, elle, souligne qu’il est illusoire de promouvoir le Made in France sans ajuster les salaires ni protéger les industries locales.
Sur l’énergie, le patron du Medef affiche son soutien au nucléaire, une position également défendue par la CGT. Mais Sophie Binet pousse plus loin, réclamant une sortie du marché européen de l’électricité, un modèle qu’elle suggère de calquer sur celui de l’Espagne.
Un débat sans vainqueur
Si Patrick Martin a tenté de se montrer conciliant, proposant de relancer les négociations sur l’emploi des seniors et l’assurance chômage, il peine à convaincre un public majoritairement acquis à la cause cégétiste. Pour Sophie Binet, le Medef reste trop timoré sur la redistribution des richesses et sur les droits des salariés. À la fin des deux heures de débat, les divergences restent irrésolues, bien que les deux parties semblent prêtes à poursuivre les discussions.
Un moment clé de la rentrée sociale qui aura donné un avant-goût des luttes à venir entre les syndicats et le patronat. Tandis que Sophie Binet est invitée à la prochaine université d’été du Medef, Patrick Martin peut au moins se targuer d’avoir brisé la glace… même s’il a dû essuyer quelques huées au passage.